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Les livres d'Eve
15 avril 2016

"La grammaire est une chanson douce" Erik Orsenna

          Place aujourd’hui à un conteur, académicien, amoureux de la langue française. Ce livre était dans ma PAL depuis des années et je remettais sans cesse au lendemain plus ou moins proche. Et bingo, il était l’invité de La Grande Librairie et sa prestation m’a plu, une fois de plus et plus question de remettre à plus tard.

 

La grammaire est une chanson douce Erik Orsenna

Résumé

 

          Nous sommes dans une salle de classe et,  comme chaque mardi  et jeudi, Jeanne assiste au cours de Mademoiselle Laurencin qui fait rêver ses élèves avec les « Fables » de La Fontaine, leur apprend la magie des mots. Soudain, entre dans la classe une inspectrice acariâtre qui lui assène tout-à-trac qu’elle ne sait pas enseigner car elle ne suit pas les règles édictées par le ministère. Il s’en suit une obligation de stage avec obligation de soins pédagogiques laissant les élèves perplexes…

          Le lendemain, Jeanne part en vacances en famille à bord d’un bateau. La tempête se lève, c’est le naufrage et Jeanne et son frère Thomas sont échoués sur une île, et peu à peu des lettres (comme les carrés du scrabble) puis des  mots échappés du dictionnaire viennent s’échouer. « Un peu plus tard un mot s’approcha du rivage, accompagné de  sa définition. »

          Un homme au teint basané, Monsieur Henri va lui faire visiter l’île, le marché aux mots, les adjectifs, les articles… hélas, le gouverneur de l’Archipel veut à tout prix mettre un terme à cela car il ne supporte pas la passion de Monsieur Henri pour les mots.

 

Ce que j’en pense :

 

           L’auteur transmet son amour de la langue française en poésie en jouant avec les mots, les tribus de mots que sont les noms, les articles, les adjectifs, avec les mariages devant monsieur le Maire : « le château enchanté », « la maison hantée », ainsi se forment des couples parfois improbables « ardoise magique », le masculin et le féminin, le singuleir et le pluriel, les adverbes, la magie des rimes...

          On voit passer de jolis mots : désespérade, échauboulure, embrassoires...

          Erik Orsenna a de jolies trouvailles, tel le distributeur automatique, la tribu des prétentieux (les pronoms), l’hôpital des mots où l’on soigne des phrases cabossées par la vie telle la fragile « Je t’aime ».

          Je fais partie d’une génération qui n’avait pas de problèmes avec la grammaire, l’orthographe. Il y  avait les règles de base à apprendre et après c’était un jeu. Je me souviens avec plaisir des dictées avec les imparfaits du subjonctif. A l’époque, on ne préparait pas les dictées, et c’était cinq fautes = 0/20. C'était il y a fort longtemps, "un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître" dirait Aznavour...

          Bien sûr il fallait apprendre et cette notion-là n’a plus cours. C’est la génération des partisans du moindre effort, du gavage  et comme cela ne marche pas on fait des lois pour simplifier l’orthographe car c’est forcément de sa faute si l’illettrisme s’est  installé…

          « Une langue est vivante, donc elle évolue » disait Hélène Carrère d’Encausse récemment à La Grande Librairie, mais on doit faire des efforts pour l’acquérir, chercher dans un dictionnaire pour apprendre de nouveaux mots, sinon quelle tristesse de ne jouer qu’avec cinq ou six cents mots utiles et rien de plus…

          Un charmant petit livre, avec des illustrations qui font penser à Robinson Crusoë sur son île et au « Petit Prince » et un clin d’œil à la chanson d’Henri Salvador… qui apporte de la fraîcheur mais Erik Orsenna peut-il réussir à convaincre ceux qui ont de vrais problèmes avec la grammaire ? En tout cas, ce serait intéressant d’essayer à l’école.

          Entre parenthèse, j’ai beaucoup apprécié la description des « inspecteurs » disséquant les phrases, les groupes de mots tels des médecins légistes qui en prennent gentiment pour leur grade.

          Note : 7,5/10

 

L’auteur :

 

          Erik Orsenna (pseudo d'Erik Arnoult) est né en 1947. Après des études à l'Institut des sciences politiques de Paris et de sciences économiques, il enseigne à l'Ecole Normale Supérieure. Orsenna est un pseudonyme, le nom de la vieille ville du « Rivage des Syrtes », de Julien Gracq.

          Dans « la Vie comme à Lausanne » (1977), il évoque ses souvenirs d’étudiant et dépeint avec une grande ironie les milieux politiques.

          Erik Orsenna reçoit en 1988 le prix Goncourt pour « l’Exposition coloniale ».

          Il sera conseiller ministériel puis, durant trois ans, le conseiller spécial de François Mitterrand, dont il écrira les discours. Cette expérience, il la raconte avec beaucoup d’humour dans « Grand Amour» (1993).

          Erik Orsenna est ensuite nommé maître des requêtes au Conseil d’État. Il a été élu à l'Académie française en 1998 au fauteuil de Jacques-Yves Cousteau.

          Ses contes, dont « La grammaire est une chanson douce » (2001), traitent de la langue française.

Erik Orsenna sur le site de l'Académie française.

 

 

Extraits :

 

          Les mots sont de vrais magiciens. Ils ont le pouvoir de faire surgir  à nos yeux des choses que nous ne voyons pas. p 15

 

         Quand vient votre dernière heure, vous abandonnez toute fierté. P 23

 

          Un petit mot m’est apparu, le dernier qui me restait, blotti dans un coin, deux syllabes minuscules, tout aussi terrorisées que moi. « Douceur ». Douceur comme le sourire timide de Papa quand il se décidait enfin à me parler comme une grande, douceur comme la caresse de Maman sur mon front pour m’aider à m’endormir… P 27

 

          La tempête avait tant secoué, comme nous, les dictionnaires que les mots s’en étaient détachés. Et maintenant, les dictionnaires, vidés de leur contenu, devaient reposer sur le fond de la mer, à côté de meurs amis, les champions de scrabble. P 33

 

          Vingt-cinq langues meurent chaque année ! Elles meurent faute d’avoir été parlées. Et les choses que désignent ces langues s’éteignent avec elles. Voilà pourquoi les déserts peu à peu nous envahissent. A bon entendeur, salut ! Les mots sont les petits moteurs de la vie. Nous devons en prendre soin. P 51

 

          « Tous les mots sont des outils. Ni plus ni moins. Des outils de communication. Comme les voitures. Des outils techniques, des outils utiles. Quelle idée de les adorer comme des Dieux … de gré ou de force, je les réduirai à cinq cents, six cents, les strict nécessaire. On perd le sens du travail quand on a trop de mots. » P 59

 

          Les mots, c’est comme les notes. Il ne suffit pas de les accumuler. Sans règles, pas d’harmonie. Pas de musique. Rien que des bruits. La musique a besoin de solfège, comme la parole a besoin de grammaire. P 66

 

          … les mots mènent une vie joyeuse. Ils passent leurs journées à se déguiser, à se maquiller et à se marier… ils s’organisent en tribus comme les humains. Et, chaque tribu a son métier… P 71

 

Lu en mars 2016

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Commentaires
P
génial la résumé explique super bien l'histoire
P
Je vais lire ce livre. Depuis ma fin de contrat (Education nationale, première cité scolaire de France) je n'arrête pas de faire des fautes, un véritable blocage. Au point de ressortir mes livres de cours, d'emprunter ceux de ma fille pour réviser...
F
Je suis d'accord avec toi, une langue doit s'apprendre, cela représente des efforts, mais après, quelle joie de jouer avec les mots ! Quand je pense que mes grands-parents, avec le seul certificat d'études, maîtrisaient parfaitement le français écrit...<br /> <br /> J'ai bien aimé ce premier volume, mais avec les suivants, la sauce n'a pas pris du tout.
A
Mon préféré de la trilogie.
V
charmant petit livre et ta note n'est pas tellement élevée :) J'ai déjà fait avec des 6è, ça marche bien.
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