J’avais envie de lire ce livre depuis très longtemps, depuis sa sortie en fait, et il y a quelques mois, lors d’une de mes crises d’achats compulsifs de livres d’occasion, j’ai cédé à la tentation.

          Mes récentes lectures ainsi que les attentats du 13/11/2015 m’ont poussée à l’ouvrir et bien m’en a pris…

 

un secret de Philippe Grimbert

 

Résumé

 

          C’est l’histoire d’un petit garçon, un peu chétif, mal dans son corps, dont les parents Maxime et Tania sont des sportifs assidus. Ils ont même installé une salle de sport, chez eux.

          L’enfant n’est pas un sportif accompli, il n’en a pas la carrure, alors il va investir le domaine de l’intellect, travaillant bien à l’école, curieux de toutes choses. Il sent confusément que quelque chose cloche, qu’il n’est pas conforme à ce que ses parents attendaient de lui. Alors, il s’invente un grand frère, sportif comme ses parents, bagarreur, chacun ayant ainsi son domaine.

          Il grandit ainsi, dans cette famille de taiseux, avec son grand-père Joseph qu’il aime et admire ; sa grand-mère est morte mais on n’en parle pas, on ne va pas au cimetière. Il y a aussi oncle Georges et Esther et les dîners en famille.

          Un jour, en se rendant au grenier avec sa mère, il tombe sur un chien en peluche, oublié dans la poussière qui va devenir son jouet fétiche et qu’il décide d’appeler Sim. Il voit bien le malaise que cette peluche provoque mais personne ne parle.

          Et surtout, il y a Louise, l’amie de la famille, infirmière dont le cabinet est à côté du magasin de ses parents. C’est la seule avec qui il peut parler, confier son désarroi, ses questionnements. Le jour de ses quinze ans, elle lui avoue la vérité concernant sa famille.

 

Ce que j’en pense :

 

          C’est un beau livre sur le secret. L’auteur nous raconte dans un premier temps l’histoire de ses parents, Maxime et Tania telle qu’il se l’imagine, mais il y a des blancs. Dans un deuxième temps, après l’aveu de Louise, il va reconstituer toute l’histoire de la famille.

          Philippe Grimbert raconte avec des mots simples, emplis d’une grande pudeur, la naissance de l’amour entre sa mère Tania et son père Maxime. Cela n’a rien de glauque, car tous les deux sont mariés, il y a le poids des traditions et celui de l’époque. Il ne s’agit pas d’une simple histoire d’adultère. Ils se ressemblent, sportifs tous les deux, et c’est la guerre qui va sceller leur destin.

          L’auteur décrit bien l’incrédulité : ils sont en France depuis des dizaines d’années, il ne peut rien leur arriver. Mais la bête immonde fait son nid, les valeurs changent, l’antisémitisme s’installe.

          Philippe Grimbert ne juge jamais, il raconte l’histoire de sa famille, l’exode, les trains vers l’Est, vers des endroits qu’on n’ose encore imaginer. Il parle du choix de ne plus vouloir parler du passé trop lourd, allant jusqu’à décider de l’oublier, pour pouvoir survivre, de changer quelques lettres du nom, de la culpabilité du survivant, du deuil qu’on ne peut pas faire.

          C’est un livre plein de tendresse, et on s’attache à tous les personnages, à leurs relations entre eux, à leur choix qui peuvent parfois surprendre, mais on savait si peu  de choses à l’époque sur les camps, la solution finale…

          Une image touchante : quand il rate l’oral du Bac parce qu’il ne sait pas comment exprimer ce qu’il pense de Laval, ce qui est interprété comme une acceptation possible de ses théories.

          Un très beau livre qui parle directement au cœur du lecteur. Un témoignage poignant qui ne tombe jamais dans le pathos. On tourne la dernière page, tellement rempli d’émotions qu’il est difficile d’en parler. Je n’ai pas vu le film. En général, je suis déçue par rapport au livre mais, dans le cas présent, je serais assez tentée.

          Note : 8,5/10

 

 

 

L’auteur :

          Philippe Grimbert est né en 1948 à Paris. Il a fait de longues études de psychologie et il a passé une dizaine d’année en analyse chez un lacanien (qui s’apparente à la pensée de Jacques Lacan), avant d’ouvrir son propre cabinet.

          Par la suite il publia quelques essais mais c’est le livre « la petite robe de Paul » qui le fera connaître dans la littérature générale.  Il remportera le prix Goncourt des lycéens en 2004 avec « un secret ».

 

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Extraits :

 

          Fils unique, j’ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J’avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible. P 9

 

          Aussi  longtemps que possible, j’avais retardé le moment de savoir : je m’écorchais aux barbelés d’un enclos de silence.  Pour l’éviter, je m’étais inventé un frère, faute de pouvoir reconnaître celui qui s’était à jamais imprimé dans l’œil taciturne de mon père. P 66

 

           Sans ma vieille amie, peut-être n’aurais-je jamais su. Sans doute aurais-je continué à partager mon lit avec celui qui m’imposait sa force, ignorant que c’était avec Simon que je luttais, enroulant mes jambes aux siennes, mêlant mon souffle au sien et finissant toujours vaincu. Je ne pouvais pas savoir qu’on ne gagne jamais contre un mort. P 68

 

          Il n’ignore pas que la menace se rapproche. Elle a pris le visage de celui que l’Allemagne a hissé au pouvoir. Il ne peut se défaire de l’image du pantin sinistre dont les vociférations lui ont rendu odieuse une langue qui, jusque-là l’avait bercé de ses lieder, de ses opéras, l’avait nourri de sa littérature et de sa philosophie. P 83

 

 

Lu en décembre 2015