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Les livres d'Eve
13 mai 2015

"Nuits tranquilles à Belém" de Gilles LAPOUGE

          Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai découvert dans le cadre de l’opération masse critique de Babelio que je remercie au passage ainsi que les éditions Arthaud. Il s’agit de :

 

Nuits tranquilles à Belém de Gilles Lapouge

 

Résumé

 

          L’histoire commence à l’arrivée au Brésil du héros (qui entre parenthèses ressemble beaucoup à l’auteur : même métier, en particulier) à Belém, comme nous l’indique le titre du livre. Il a rendez-vous avec Olacyr de Freitas, car ils s’intéressent tous les deux à Blaise de Pagan qui fut le géographe de Louis XIV et qui selon la légende était devenu aveugle et traçait ses cartes en fonction de ses souvenirs.

          Or, c’est sur ses cartes que se basaient les navigateurs pour les échanges politiques et commerçants de la France à cette époque. Est-ce une légende ou pas ?

          Toujours est-il qu’en sortant de l’ascenseur pour se rendre à ce rendez-vous, le héros rencontre un jeune garçon qui s’accroche à lui en criant « Papa, Papa, tu es revenu », « tu es là » et en s’agitant, criant de plus en plus fort, et notre héros pour le calmer va faire une réponse qui va changer le cours de sa vie. « Il avait grimpé le long de moi, comme un singe, comme à un cocotier, et ce ne fut pas par inadvertance de ma part ou étourderie »

 

 

Ce que j’en pense :

 

          En répondant « oui », comme vous l’avez deviné, il va se glisser dans la peau d’un inconnu, Luis Carlos, parti chercher de l’or en Guyane quelques années auparavant et qui n’a jamais donné de ses nouvelles. Se glisser dans la peau au propre et au figuré, car comment retrouver des souvenirs qu’il n’a jamais eus sans se trahir.

          Pour cela, il faut faire parler les autres et en dire le moins possible. Et l’auteur crée son histoire en fonction d’un thème qu’il aime : pourquoi nait-on ici et pas ailleurs, à cette époque de l’histoire et pas à une autre.

          Cette histoire avait tout pour me plaire et je m’attendais à une réflexion sur le temps qui passe et la mémoire. En plus, cela se passe au Brésil, pays qui me fascine par son histoire, sa culture, mais en fait on ne sort pas de Belém, d’un quartier de Belém pour être plus précise.

          L’auteur avance dans son histoire et nous fait découvrir la « femme » de Luis Carlos : Maria de Lurdès, Ricardo son fils, et les quelques personnes qui gravitent autour, puis il revient à plusieurs reprises sur son rendez-vous raté et le géographe de Louis XIV.

          On se promène dans Belém la nuit, (où tous les chats sont gris !) comme le suggère le titre, on se glisse dans la ville comme dans un costume, comme le héros dans la vie de Luis Carlos. La nuit de la mémoire ?

          Il avance avec lenteur, une lenteur entêtante, presque sur place et on a parfois du mal à adhérer à ce qu’il nous raconte. Il aurait pu exploiter davantage la personnalité de chacun. On sait que son héros est journaliste et a écrit des  articles sur Goa qui l’obsède, (un papier sur la survivance de la langue portugaise à Goa). C’est le seul bémol, mais en est-ce vraiment un ?

          En tout cas, c’est très bien écrit. Il y a des phrases parfois sublimes qui viennent éclairer le texte qui ronronnait depuis quelques pages. Et cela donne : « Le romantisme, moi… les contes de fées, ce sont des broderies pour distraire des vieilles filles monotones ». P 29

          Ou bien ceci : « J’étais vide comme un chiffre zéro, mais justement, le chiffre zéro, c’est son vide qui fait sa puissance et sa gloire » P 31

          Il s’est passé un phénomène curieux : j’avais du mal à entrer dans ce livre, quand soudain, dans le premier chapitre, il évoque la façon dont il visite la ville pour se l’approprier, en connaître, les ruelles, le moindre petit détail, qui m’a interpellé et c’est pour cela que j’ai continué, la curiosité un peu réveillée par la façon dont il parlait de ce contact, comme un contact physique, charnel. Il parle de Belém avec sensualité, comme il parle des femmes.

          Bref, cet auteur, que je découvrais, m’a laissée déconcertée, avec l’impression de faire un « voyage en Absurdie » comme dirait Stéphane de Groodt, et c’est certainement ce qu’il voulait … nous obliger à nous poser des questions, à faire des liens entre les évènements ou la vie des personnages. Par moment, on adore, l’instant d’après, on se demande où on va, mais on continue page après page, happé par l’écriture.

          Quand j'ai refermé ce livre, il s'est passé quelque chose, comme une relecture dans l’inconscient et je me suis rendue compte du voyage intérieur dans lequel je avais suivi l’auteur et donc,  plusieurs niveaux de lecture.

          J'allais oublier: la couverture est magnifique et invite au voyage.J’ai envie de lire un autre de ses romans (qui sont assez nombreux) pour mieux connaitre Gilles Lapouge.

          Note : 7,3/10

 

 

L’auteur :

 

Gilles Lapouge 2

Gilles LAPOUGE est né en 1923 à Digne-les-Bains, il est journaliste et écrivain.

Il passe son enfance en Algérie où son père est militaire. Après des études d'histoire et de géographie, il devient journaliste. En 1950, il part pour le Brésil. Pendant trois ans, il travaille pour le quotidien brésilien « O Estado de Sao Paulo », dont il restera le correspondant en France pendant plus de quarante ans.

De retour en France, il collabore au Monde, au Figaro Littéraire  et à Combat.

Il participe à l'émission de Bernard Pivot : « Ouvrez les guillemets » qui deviendra par la suite « Apostrophe ». À France-Culture, il produit l'émission « Agora » puis « En étrange pays ». Il fait partie du comité de rédaction de "La Quinzaine littéraire".

On lui doit entre autres : "L'âne et l'abeille", "La légende de la géographie", "Le bois de amoureux"...

 Il a reçu plusieurs prix littéraires : Prix des Deux Magots, Prix France Télévisions, Prix Louis-Guilloux, Grand prix de littérature Paul-Morand et le prix Pierre Ier de Monaco pour l'ensemble de son œuvre. On peut le rencontrer tous les ans à Saint-Malo pendant le festival "Étonnants voyageurs".

 

Gilles Lapouge 1

 

 

 

Extraits :

 

          J’avais dit « oui », et ensuite ma vie a beaucoup changé. A ce propos, je voudrais faire une remarque : les mots, il arrive qu’ils s’embrouillent dans la langue ou dans les dents et c’est le diable pour les remettre à  l’endroit. P 9 

 

          Ce n’est pas un hasard si les Portugais, les conquérants héroïques et brutaux qui venaient de Lisbonne, de l’Algarve et des bouches du Tage, comme aurait pu dire le grand et même immortel Camoes, ont attrapé au même moment, autour des années 1 500, la forêt amazonienne du côté occidental, et de l’autre côté vers l’Asie extrême, les marécages noirs, luisants et comme de l’or, de Goa, comme s’ils faisaient collection de paysages tropicaux, vermoulus et splendides. P 10

 

          Chaque année ou plutôt chaque Pentecôte, j’allais au superbe festival de Saint-Malo… nous étions jeunes alors (avec ses amis écrivains voyageurs)… tout était ensoleillé et magnifique, car nous nous aimions beaucoup. Je prenais une voix sérieuse pour leur dire que c’était moi le vrai baroudeur, le vrai « voyageur toqué », comme disait Malarmé à propos d’Arthur Rimbaud, peut-être pas un étonnant voyageur mais un « voyageur étonné ». P 14

 

          Les véritables voyageurs, ce sont ces gens, sur leurs bancs publics, au bord du fleuve, si du moins on accorde foi à la règle que je me formule de temps en temps : « Le vrai voyageur n’est pas exotique, car il est né dans le pays qu’il découvre. P 20

 

          Les maçons brésiliens sont des bâtisseurs de ruines. Ils sont comme l’Unesco, avec son patrimoine de l’Humanité, mais en plus perfectionnés. Ils sautent une étape. Ils vous livrent des « patrimoines », des bâtiments flambant vieux. Et, tout de suite, ça commence à s’effriter. Les maçons, on dirait qu’ils exercent deux métiers en même temps. Ils construisent des maisons et en même temps, ils les démolissent. Ils mériteraient double salaire. P 44

 

          Le rite de la confession m’a toujours paru délicieux. Je l’ai regretté le jour où j’ai cru perdre la foi. P 83

 

Deux liens intéressants:

http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_cercle_litt/a.c_140616_cercle_litteraire.html

http://www.etonnants-voyageurs.com/

 

Lu en  mai 2015

masse_critique

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Commentaires
L
J'en avais entendu parler. Tu donnes envie.
P
Est ce l'auteur qui est torturé ou juste son histoire ?
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