"La femme en vert" d'Arnaldur INDRIDASON
Encore un bon livre dégusté en juillet :
Résumé
En Islande, un enfant fête son anniversaire et a invité ses copains. Le père de l’un d’eux en venant chercher son fils s’aperçoit qu’une petite fille est en train de ronger quelque chose. Etudiant en médecine, cet homme voit qu’il s’agit d’une côte humaine.
On appelle la police et le commissaire Erlandur arrive avec son équipe sur les lieux. Il s’agit d’un squelette, c’est confirmé mais il est impossible de savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme ni de le dater.
Le commissaire est donc obligé de faire appel au service d’archéologie afin que la scène de crime se soit pas polluée et que la datation puis l’identification soient faites correctement. Le chef de ce service est très tatillon et procède couche de terre par couche de terre, ce qui met à rude épreuve les nerfs du commissaire qui entre temps reçoit un appel au secours étrange de sa fille, Eva-Lind avec laquelle il a peu de contact.
Il part donc à la recherche de sa fille car elle est enceinte et droguée et doit donc remonter sa piste : une deuxième enquête en parallèle.
En parallèle l’auteur nous raconte l’histoire d’une femme battue (martyrisée) par son mari en 1937. On devine qu’il y a un lien mais lequel ?
Ce que j’en pense :
Il s’agit d’une très belle histoire, où l’auteur décrit très bien la maltraitance dans le couple, avec un mari violent, jaloux, pervers, (Grimur) la personnalité de la femme battue et celle des enfants. Cette femme (on parle d’elle en disant la mère, ma femme… mais jamais son prénom comme si son existence même était niée) est très attachante, courageuse, elle prend les coups pour protéger ses enfants : Mikkelina, une fille handicapée à la suite d’une méningite, et deux garçons Simon et Tomas. Une belle étude psychologique de la violence conjugale.
L’auteur aborde aussi le handicap : le père s’en sert pour terroriser la mère en menaçant sans cesse de la tuer car c’est une débile, alors que celle-ci s’en occupe en cachette pour tenter de lui faire récupérer peu à peu les mots, les muscles qu’elle lui masse le plus souvent possible.
On assiste à la lente destruction de ces êtres, qui sont toujours maintenus en alerte par la peur, la mort qui peut arriver à chaque instant. Il nous décrit aussi l’évolution des garçons : comment devient-on un homme adulte quand on a une telle image paternelle devant soi comme exemple.
En même temps, on découvre une période de l’histoire de l’Islande, des camps construits par les Anglais puis repris par les américains pendant la guerre, la transformation de Reykjavik qui devient une ville immense aux dépens des campagnes qui se désertifient, les maisons d’été d’autrefois qui ont disparu pour faire place à des immeubles : une véritable mutation.
L’auteur raconte, en fait, trois histoires en parallèle : celle de la femme battue, celle des propriétaires de maison d’été qui existaient auparavant à l’endroit où la côte a été découverte.
Un de ces propriétaires était autrefois amoureux d’une jeune fille qu’il devait épouser mais celle-ci a disparu, donc cet homme s’est laissé aller peu à peu, inconsolable. Est-ce le corps de sa fiancée ? y-a-t-il un rapport avec la femme battue ?
La troisième histoire est celle du commissaire : marié sans trop le vouloir, deux enfants, il a fini par quitter le domicile conjugal et divorcé, sa femme lui a interdit le droit de visite aux enfants et le discrédite sans arrêt devant eux depuis qu’ils sont séparés.
L’auteur nous parle très bien de l’amour que cet homme éprouve pour sa fille qu’il connait peu mais fait tout ce qu’il peut pour la retrouver car il sent qu’elle est en danger. Il finit par la retrouver dans le coma (hémorragie de la délivrance lors d’un accouchement prématuré). Il essaie de lui parler pendant son coma. Au début, il ne sait pas quoi dire, il la connait si peu, donc il lui raconte son enquête puis il finit par lui parler de lui, de sa vie, de son secret.
En tout cas, il s’agit d’un très bon roman, le suspens est entretenu jusqu’au bout en ce qui concerne l’identité du corps, la quête du père vis-à-vis de sa fille qu’il veut retrouver et tisser des liens, comment se construit l’amour entre un homme et une femme, entre un père ou une mère est ses enfants et aussi, les relations très intéressantes entre les membres de l’équipe du commissaire. Bref, passionnant.
Un auteur que j’ai envie de suivre aussi. J’ai découvert des auteurs scandinaves cette année et j’avoue que je suis conquise donc je vais en lire d’autres. Et en plus grâce à Arnaldur Indridason, et à Bergswein Birgisson (« la lettre à Helga »), j’ai une immense envie de connaître davantage l’Islande, son histoire, sa culture….
Un ami lecteur, babelionaute que je remercie, m’a conseillé : "la femme d'un seul homme" de Möberg donc à suivre …..
Note : 8 ,25/10
L’auteur :
Arnaldur Indriðason (le patronyme est parfois transcrit par Indridason), né le 28 janvier 1961 à Reykjavík, est un écrivain islandais.
Il est diplômé en Histoire de l’Université d’Islande en 1996. Journaliste au Morgunbladid en 1981-1982, il devient scénariste indépendant. De 1986 à 2001, il travaille comme critique de films pour le Morgunbladid. Aujourd'hui, il est l'auteur de six romans policiers — dont plusieurs sont des best-sellers. Il vit à Reykjavik avec sa femme et ses trois enfants et est le fils de l'écrivain Indriði G. Þorsteinsson.
Arnuldur Indriðason publia son premier livre, Synir duftsins (littéralement "Fils de poussière", inédit en français) en 1997. Cette publication marque pour beaucoup le départ d'une nouvelle vague islandaise de fiction criminelle. Harlan Coben, romancier policier américain, encense Indriðason ainsi : « la meilleure nouvelle série que j'ai lu cette année provient d'Islande.
Arnuldur Indriðason est déjà un phénomène littéraire international - il est aisé de voir pourquoi : ces nouvelles sont prenantes, authentiques, hantantes et lyriques. Je ne peux attendre les publications suivantes! » Ces nouvelles reprennent la même équipe de détectives dont l'abrupt Erlendur.
Il fut nommé à maintes reprises écrivain le plus populaire d'Islande. En 2004, ses livres ont fait partie des 10 livres les plus empruntés à la Bibliothèque municipale de Reykjavík. Les livres d'Arnuldur ont été publiés dans 26 pays et traduits en allemand, danois, anglais, italien, tchèque, suédois, norvégien, néerlandais, finnois, espagnol, portugais et français. Arnaldur a reçu le Prix Clé de verre, un prix de littérature policière scandinave, en 2002 et 2003. Il a gagné le Gold Dagger Award, prix littéraire britannique, en 2005 pour La Femme en vert.
On lui doit notamment : « Etranges rivages », « le duel », «la cité des jarres », « le livre du roi », « la muraille de lave »…
Extraits :
Il avait remarqué que la petite fille tenait fermement un jouet dans sa main et, une fois assise sur les fesses, elle s’était mise à le ronger en bavant abondamment. On aurait dit qu’elle avait mal aux gencives et il se fit la réflexion qu’elle était en train de percer des dents… il ne fallut pas longtemps au jeune homme pour savoir qu’il tenait un os humain, un fragment de côte d’une longueur de dix centimètres. P 7
Peu importe ce que Grimur lui faisait subir, elle ne pleurait jamais. Elle hurlait de douleur et appelait à l’aide, elle lui demandait d’arrêter ou supportait la violence en silence, mais Simon ne l’avait jamais vu pleurer jusqu’alors… il sentait qu’elle pleurait à cause de la situation dans laquelle Mikkelina se trouvait et, en même temps, à cause de ce que Mikkelina venait d’accomplir (la petite fille vient de dire son premier mot), et cela la rendait plus heureuse qu’elle ne s’était autorisée à l’être. P 114
Il pensa à Eva-Lind. Avait-elle mérité de se retrouver aux soins intensifs plus morte que vive ? Etait-ce sa faute à lui ? Etait-ce la faute de quiconque à part elle-même ? N’était-ce pas sa propre faute à elle si elle se trouvait dans cet état ? N’était-ce pas son affaire, sa saloperie de dépendance à la drogue ? Ou bien partageait-il une part de responsabilité dans l’histoire ? C’était ce dont elle était convaincue et elle le lui disait plus souvent qu’à son tour quand elle le trouvait injuste avec elle. P 126
Nous passons notre temps à attendre la fin du monde, ajouta-t-il ensuite. Qu’elle se manifeste sous la forme d’une comète ou d’autre chose. Nous avons tous notre fin du monde personnelle. Certains vont même jusqu’à l’attirer. Certains la désirent. D’autres tentent d’y échapper. Ils la redoutent. Lui témoignent du respect. Ce n’est pas ton cas. Tu ne t’abaisserais pas devant quoi que ce soit. Et tu ne redoutes pas ta petite fin du monde personnelle. P 176
Erlendur restait assis en silence, il regardait sa fille en se demandant si cela servait à quelque chose de lui parler alors qu’elle ne semblait pas entendre un mot de ce qu’il disait. Il repensa aux paroles du médecin et se dit que ce n’était pas faux que le fait de parler à sa fille de cette manière lui procurait une forme de soulagement. Il avait rarement pu parler avec elle de façon posée et calme. Les luttes auxquelles ils se livraient avaient entacher tous leurs rapports et ils n’avaient pas souvent eu l’occasion de s’asseoir en toute tranquilité pour discuter. P 176
Terminé le 26 juillet 2014