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Les livres d'Eve
31 janvier 2014

"Sauf les fleurs" de Nicolas CLEMENT

Encore  une pépite  avec ce petit livre (75 p) de Nicolas CLEMENT : "Sauf les fleurs"....  je l'ai lu deux fois avant de faire mon commentaire.

 

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Résumé

 

Ce roman nous raconte l’histoire de deux enfants Marthe et son petit frère Léonce. Ils vivent dans une ferme, isolée dans la campagne. Leur vie n’est pas drôle car leur père ne sait fait que deux choses : crier et cogner, sur eux, sur leur mère, sans aucune raison que le plaisir de faire mal, de dominer, de faire régner la terreur à la maison.

Marthe n’est heureuse qu’à l’école car elle a envie d’apprendre, de lire mêmes les livres difficiles : elle rêve de lire Eschyle, car sa maîtresse d’école est entrain de le lire, « Je passe devant le bureau pour rejoindre ma place  et je fixe la couverture du livre. Je lis Eschyle, que je confonds avec échelle, « qui sert à se hisser ». J’écris Eschyle dans mon carnet puis je m’en retourne au car. P 19

  Mais aussi, Epictète, Socrate ou Diogène ces auteurs grecs qu’elle voudrait enseigner plus tard a ses élèves. Je sens que leur pays est fait pour moi, puisqu’ils retiennent Mademoiselle Nathalie après la classe. P 19

Puis arrive Florent qui va ouvrir une autre dimension dans la vie de Marthe, il lui apprend la tendresse, les caresses. Elle découvre que la vie n’est pas faite que de violences. Jusqu’au jour où le drame arrive.

 

Ce que j’en pense :

 

En fermant ce livre, j’ai eu l’impression d’avoir reçu un uppercut et j’ai du mal à m’en remettre. C’est le premier roman de Nicolas Clément et quel roman !!! C’est une splendeur où s'allient la brutalité et la douceur, la beauté dans le choix des mots...

Il a choisi de s’exprimer au nom de Marthe et il exprime la violence et la douceur avec le même talent. Il nous décrit ce qui se passe dans la tête de Marthe avec une grande sensibilité, une précision et des mots parfois lapidaires. Chaque chapitre se termine sur une phrase qui nous donne l’âge de cette enfant et on la suit ainsi de douze à vingt ans.

La violence du père est tellement forte qu’il y a des mots imprononçables, et l’auteur en met un autre à la place comme pour atténuer la souffrance, ne pas la dire, comme pour l’effacer.

Marthe emploie de jolies métaphores, avec l’image du tricot qu’on  construit une maille à l’endroit, l’autre à l’envers, la pelote de laine. Seules les fleurs sont belles. Elle évoque leur langage, greffe, tiges, boutures, épines, pour parler de la vie, de sa vie. Elle nous parle avec tendresse des animaux de la ferme pour adoucir la violence de ce père taiseux de nature dont elle ne comprend pas la langue

Elle nous dit aussi l’importance des mots pour elle, elle aime les écrire sur son carnet, ce précieux carnet qu’elle destine à son frère Léonce. L’importance d’Eschyle dans sa vie brisée, qu’elle apprend à traduire pour s’en approprier les mots et la musique.

On assiste à la transformation de Marthe grâce l’amour lorsqu’elle part pour Baltimore avec Florent. Tandis qu’il se lance dans la musique, elle apprend le grec, elle étudie ses auteurs grecs préférés pour pouvoir enseigner à son tour, elle arrive de mieux en mieux à traduire Eschyle. On pense que l’amour et les livres ont transformé sa vie et que la résilience est en cours et tout à coup plouf.

On a du mal à croire qu’elle puisse avoir commis cet acte si tard après avoir été heureuse avec Florent. Le retour à la ferme a-t-il tout fait remonter ? la vie n'est-elle possible qu'ailleurs?

Ce livre est très cout (76 pages) mais d’une densité incroyable. C’est un long poème en prose. On peut le lire, le relire plusieurs fois car il y a toujours quelque chose à découvrir dans la poésie de l’écriture.

Pour un premier roman : un coup de maître donc auteur à suivre de près.

 

 Note : 9/10

L’auteur :

 

 

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Nicolas Clément est né en 1970 à Bourgoin-Jallieu. Agrégé de philosophie, il enseigne en lycée et en classes préparatoires.

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Extraits :

 

« Je n’arrive pas à parler de Papa qui fauche notre enfance, fouette nos lèvres, crache sur Sony (le chien) et revient se moucher dans nos vies, le premier qui se sauve marque une maman. P 12

 

Dans mon dictionnaire, je cherche la langue de Papa, comment la déminer, où se trouve la sonnette pour appeler. Mais la langue de Papa n’existe qu’à la ferme hélas. Il nous conjugue et nous accorde comme il veut. Il est notre langue étrangère, un mot, un poing, puis retour à la line jusqu’à la prochaine claque. P 13

 

Sur mon divan, il y aura le silence laissé dans la chambre pour ne blesser personne, un silence dont je ferai mes écailles si le mal veut bien s’éloigner. Elles seront de glaise pour trouver ma boue juste, le premier de mes soucis, mon calme devoir de terre promise. P 16

 

Nous connaissons les mailles du corps, comment elles se cherchent st se trouvent pour nous protéger des coups. Nous posons des questions sans réponses, les yeux de Maman nous invitent à ne plus demander. J’aimerais savoir, pourtant, d’où je viens, de quel amour je suis née, si je serai même une fois l’endroit de quelqu’un. P 20

 

Puis il (Florent) dévide sa part enfouie, ma pelote aux aguets pour être tricotée. Il me plaît, je me laisse faire. C’est bon d’être augmentée, une parole à l’endroit, une parole à l’envers. P 28

 

Je suis d’une fièvre qui perce et dure, jamais ne se repose, ni de cerisaie ni de mains autour. Au cimetière, j’ai des larmes assises sur leur jour d’aimer : Maman est partie. Dans notre ferme, il n’y avait pas beaucoup d’air, nous manquions de terre profonde, mais nous avions des racines qui couraient sans déranger les pierres. Le cercueil de Maman s’enfonce lentement. Il me semble, à cet instant que la paille a tout dit. P 41

 

Chaque sourire me soutient que la vie est bonne, qu’il ne faut pas toujours chercher à comprendre mais relever les cœurs tombés. Quand la tristesse vient miauler dans mes jambes, je la prends sur mes genoux, j’appose mes mains de guérisseuse et je t’offre mon dos rond. Ainsi, quand tu pourras, sois fier de ce que nous n’avons pas reçu et qui nous sert d’épines. P 49

 

Il me semble alors que le savoir peut guérir. Que lire, écrire, traduire, c’est reformer le sein, étaler l’origine, aérer le fumier d’où sortiront les fleurs derrière chaque tort redressé. P 51

 

De concert en concert, Florent goûte la joie pure d’exister. Nous venons d’un village enseveli mais nos briques soudées sont sûres. Certes, je déchiffre à peine Eschyle, là où Florent improvise déjà son pendant de cuivres. Au réveil, dans ses bras désarmés, je sens le sourire de mon frère et la tombe de Maman. Leurs appels ne sont plus ma boussole. Nul nom pour cette poussée décalée, cette croissance hors sol, à part peut-être bouture, « qui reconstitue le manque ». p 53-54

 

 

Lu en janvier 2014

 

photo challenges rentrée 2013

 


 

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Commentaires
J
Un livre que j'ai beaucoup aimé moi aussi
M
Il me tente beaucoup, tiens. Je ne l'avais pas vu passer.
P
Quelle critique ! Une lecture certainement difficile mais je note, merci. Nous avons lu une histoire sur la violence presque en même temps.
L
Je ne connaissais pas. Ta critique me donne très envie de le lire !
A
Une lecture étrange, à la limite de la poésie, mais qui laisse une trace, ça c'est certain.
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