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Les livres d'Eve
14 janvier 2014

Pietra viva de Leonor de RECONDO

Encore un livre extraordinaire...

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Résumé

 

Nous sommes au printemps 1505. Michelangelo dissèque les cadavres qu’on lui apporte à la morgue du couvent. Ce jour-là, les moines avec une certaine gêne  lui amène un corps et en soulevant le linceul, il devine qu’il s’agit d’Andréa, un beau jeune homme dont le fascine depuis leur rencontre première rencontre.

L’émotion est telle qu’il s’enfuit. Frère Guido lui remet la petite bible qu’Andréa lui lègue. Le pape Jules II l’a chargé de construire son futur tombeau en marbre de Carrare, alors il se saisit du prétexte pour fuir. Trop de questions le hantent notamment ce qui est arrivé à Andréa si jeune et si beau.

Il part pour Carrare, avec l’argent que le pape lui a avancé pour payer les pierres. Il emporte avec lui la bible d’Andréa, le petit livre de Pétrarque que lui a offert Lorenzo de Medici et ses outils.

Pendant les six mois que dure son séjour à Carrare où il a une petite chambre dans une auberge il va faire des rencontres qui vont bouleverser sa vie.

Les carriers d’abord avec lesquels il travaille et qui l’apprécient car il a le sens de la pierre, sait détecter la veine, voit la future statue dans le bloc qu’on est en train d’extraire…

Il y a aussi Cavallino, un jeune homme étrange que la plupart considère comme fou car il voit les animaux qui se cachent derrière les hommes ; il se prend pour un cheval et court en hennissant, amoureux d’une belle jument blanche.

La rencontre la plus importante est  Michele, un petit garçon dont la mère vient de mourir et que Michelangelo rejette car « il déteste les enfants ».  Peu à peu Michelangelo, cet artiste abrupt, distant, bougon va changer au contact de cet enfant orphelin comme lui….

 

 

Ce que j’en pense :

 

C’est le premier roman de Leonor de Recondo que je lis et je suis encore sous le charme de cette belle écriture.

Etant artiste elle-même elle est animée de fibre hypersensible qui lui permet de si bien comprendre l’artiste et sa souffrance intérieure.

Michelangelo est un sculpteur de génie, il a de l’or dans les mains mais il se montre dénué de sentiments car il a tout verrouillé en lui. Sur le plan de la technique, il est parfait, mais il manque quelque chose. Il refuse de laisser remonter les émotions enfouies qui font si mal. Orphelin comme Michele, il ne souvient pas de sa mère. Il a tout enfoui au fond de lui pour ne pas souffrir. L’enfant lui demande de sculpter le visage de sa mère pour ne pas l’oublier mais  il refuse tout en le laissant espérer.

Les rencontres avec l’enfant, les tragédies (la mort qui frappe lors d’un convoi de blocs) font remonter les souvenirs par chacun des sens : le parfum de lavande et d’iris, puis le rire de l’enfant ramène celui de sa mère en écho,

En perdant sa mère, il a perdu l’amour et la mémoire. Il a peur de perdre aussi le souvenir d’Andréa, alors il sculpte les mains du jeune homme tenant sa bible il comprend qu’il n’a pas besoin d’une représentation : le souvenir est là, les sentiments aussi alors il offre la sculpture à ceux qui l’hébergent. Puis il retrouve la saveur de la galette.

Au début du livre, il est comme le bloc de marbre : une belle matière et peu à peu il se découvre comme la sculpture apparaît dans le bloc, en émerge à chaque coup de ciseaux. Il était une esquisse, il devient un être humain à l’aise dans son corps et son âme.

Ce séjour à Carrare a été comme un voyage initiatique à l’intérieur de lui-même, il a compris que l’amour et la mémoire peuvent ne pas se perdre à jamais.

La première sculpture qui a fait sa renommée est sa Pieta, ne serait-elle pas tout simplement sa mère qu’il a recréée inconsciemment ?

L'écriture est belle, musicale. les phrases sont courtes le plus souvent, mais leur teneur est intense. elle évoque avec beaucoup de pudeur, presque de la tendresse les sentiments de Michelangelo vis-à-vis d'Andréa et sa peur de toucher puis d'ouvrir la petite bible qu'il lui a laissé et son questionnement  sur le cause de sa mort.

Un très beau livre, un long poème en prose, à la fois plein de douceur et de dureté comme celle du marbre, écrit par une artiste sensible qui a parfaitement touché mon cœur et saura toucher le votre, j’espère.

 

Note : 9/10

 

 

L’auteur :

 

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Née en 1976 dans une famille d’artistes, Léonor de Récondo commence à apprendre le violon à 5 ans et son talent est vite remarqué. À l’âge de dix-huit ans, elle obtient du gouvernement français la bourse Lavoisier qui lui permet de partir étudier au New England Conservatory of Music (Boston/U.S.A.).

            Elle devient, pendant ses études, le violon solo du N.E.C. Symphony Orchestra de Boston. Trois ans plus tard, elle reçoit l’Undergraduate Diploma et rentre en France.

 Elle fonde alors le quatuor à cordes Arezzo et, grâce au soutien de l’association ProQuartet, se perfectionne auprès des plus grands maîtres du genre (Quatuor Amadeus, Quatuor Alban Berg). Sa curiosité la pousse ensuite à s’intéresser au baroque

            De 2005 à 2009, elle fait partie des musiciens permanents des Folies Françoises, un ensemble avec lequel elle explore, entre autres, le répertoire du quatuor à cordes classique. En février 2009, elle dirige l'opéra de Purcell Didon et Enée mis en scène par Jean-Paul Scarpitta à l'Opéra national de Montpellier. Cette production fait l'objet d'une tournée.    

Elle fonde en 2005 avec Cyril Auvity (ténor) L’Yriade, un ensemble de musique de chambre baroque qui se spécialise dans le répertoire oublié des cantates. Un premier disque de l’ensemble paraît chez Zig-Zag Territoires autour du mythe d’Orphée (plusieurs fois récompensé par la presse), un deuxième de cantates de Giovanni Bononcini en juillet 2010

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Léonor de Récondo a enregistré une quinzaine de disques et a participé à plusieurs DVD (Musica Lucida).


En octobre 2010, elle publie La Grâce du cyprès blanc (roman) aux éditions Le temps qu'il fait et, en janvier 2012, Rêves oubliés chez Sabine Wespieser éditeur
.



 

Extraits :

 

         Quand il l’a vu porter un cadavre, la première fois, il a cru à une allégorie du Christ. Sa jeunesse, sa beauté lumineuse, sa force à soulever si franchement la mort ne pouvaient faire de lui que le fils de Dieu. Et puis, il y avait son regard. Bleu sans peur. Direct comme la foudre du jugement dernier. Michelangelo est venu disséquer dans la morgue de ce couvent romain pour le simple plaisir de contempler Andréa. P 15

 

            « la mort fait l’éloge de la vie comme la nuit celle du jour ».

C’est exactement ce qu’il ressent. Depuis toujours ou presque. Et si la mort d’Andréa l’a précipité vers les montagnes, c’est pour tenter d’extraire la lumière de l’abîme. P 20

 

Les carriers, travailleurs de marbre sont toujours sur le qui-vive. Ils connaissent bien la montagne, mais ils savent aussi que, sans crier gare, elle peut leur jouer de mauvais tours et décider de se fendre sans tenir compte de leurs prévisions. Beaucoup d’entre eux sont morts parce que, comme ils le disent, la montagne ne se trompe jamais. P 33

 

La première fois que Michelangelo est venu là, il lui a semblé entrer dans une cathédrale à ciel ouvert. Il s’était dit que même Brunelleschi n’aurait pas fait mieux et que personne n’atteindrait jamais cette adéquation parfaite entre l’évanescence du ciel et l’inertie de la pierre. P 39

 

Michelangelo sent bien que sa présence est tolérée grâce à sa connaissance parfaite du marbre. Les carriers ont tout de suite compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple savoir, mais d’une véritable dévotion. Eux-mêmes n’ont pas abandonné leurs croyances païennes qui donnent vie à la montagne, lient la pierre à la lune et les poussent à respecter tout ce qui recouvre l’or blanc : les arbres et la terre. P42

 

Si cette voie-là était la sienne, il ne fallait pas la laisser s’échapper. Pour cela il devait accomplir une chose : oublier les autres et plonger en lui-même. Elle (la nourrice) avait employé ces termes. Et quand, la tête la première, il plongea dans son magma intérieur, il s’aperçut que sa chair était faite de pierre vive. De la Pietra viva. P 61

 

Alors que ses pas le mènent

Au cœur de la montagne,

Il se laisse surprendre pas l’Echo

Qui, la gorge déployée,

Lui offre le chant du parfum :

Le rire de l’iris. P 124

 

La mort ne le lâche pas. Elle semble même le poursuivre. A travers ses rêves et ses fantômes, à travers le désespoir des autres. Et lui ? A-t-il jamais pensé à porter atteinte à ses propres jours ? Pas un seul instant. Son désir de vie, lié à son esprit créatif, ne lui laisse d’autre choix que d’avancer, de continuer et, sur le chemin, de parfois oublier. P 175

 

Ce n’est pas si compliqué de donner. Il suffit de faire comme la montagne : se laisser tomber. P 194

 

 

Lu en janvier 2014

challenge ABC Babelio 2013

photo challenges rentrée 2013

 

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Commentaires
S
Je suis très heureuse qu'il intègre le non-challenge des pépites de cette année....très joli billet
P
L'époque ne m'attire pas mais la souffrance intérieure et l'hypersensibilité de l'Auteure si. Je vais peut être me laisser tenter.
E
je pense que ce sera une belle rencontre car l'écriture est belle, le sujet aussi. c'est un livre que je relirai avec plaisir
D
Rebonjour, dans ma PAL depuis peu, je suis intéressée par le sujet. Bonne fin d'après-midi.
N
Ce livre a l'air magnifique, je l'ai déjà noté...
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